Depuis la Villa Arson où il a fait ses études, Philippe Mayaux surprend toujours par ses productions. Qu’il utilise des machines absurdes ou des médiums « classiques » comme le dessin ou la peinture, il amuse, dérange, interroge, captive au gré de ses humeurs socratiques.
Ses pairs sont Duchamp et Magritte et son monde le nôtre.
Pour l’exposition « C’est pas l’amer à boire » à la Galerie Net Plus, il a conçu une installation marmoréenne : « Les quatre fantômes de l’autorité ».
« L’Ensaignant », « Mr Pub », « Le Dictator » et « Le Prophète » sont, à ses yeux, les quatre piliers de notre société de consommation. Ils déclament chacun, au son de leurs trompettes de l’apocalypse, des mots inaudibles qui se transforment en phrases sonores lancinantes (la référence à Chaplin et à son dictateur est flagrante).
Les portraits de marbre contemporains sont des empreintes 3D de ballons de baudruche recouverts d’un tissu. Un « masque » en surépaisseur prend la place des yeux des fantômes rappelant l’extraordinaire masque de théâtre de Michel-Ange au pied du tombeau des Médicis à Florence. Les bouches sont des trompettes. Les fantômes sont identiques. Chacun est singularisé par des « costumes » rappelant les artifices spécifiques au rôle qu’il « incarne », là encore pied de nez de l’artiste, la carnation n’étant pas la première qualité d’un fantôme.
Entre les piliers de l’autorité, deux étagères sur lesquelles sont rangées deux armées blanches qui s’affrontent : « Angry White» . Pas de doute, visuellement, ce sont bien des petits chars, canons et véhicules d’une guerre des neiges sortis d’une scène de bataille sur une planète glacée du film de Georges Lucas « L’empire contre-attaque ».
En y regardant de plus près, on remarque que les éléments sont constitués de moulages. L’artiste a coulé dans des blisters (emballages, coques plastiques de nos objets de consommation) du plâtre pour reconstituer avec ces moulages des armes et armées imaginaires : la société de consommation engendre la guerre, voilà ce qu’il nous dit avec son humour aigre-doux.
Plus loin, trois autres étagères (rayons de supermarchés ?) présentent des « Idoles » qui pourraient venir tout droit du Musée du Quai Branly, collections africaines.
A y regarder de près, là encore, les blisters ont servi de moules pour fabriquer ces « Idoles », veaux d’or contemporain, leurres culturels et visuels.
Comme les dessins qui font face aux volumes et qui nous piègent dans nos contradictions de consommateurs quotidiens (n’oubliez pas les titres, ils font partie du jeu).
Une exposition en creux donc, faite d’empreintes détournées et de revers de la médaille. Et comme l’artiste assume ses contradictions, l’ensemble des pièces est à vendre !
Loïc Bodin
Septembre 2017
BIO EXPRESS
Lauréat du prix Marcel Duchamp en 2006, Philippe Mayaux réalise des peintures ou des petites sculptures à la palette criarde et aux sujets vulgaires et, a priori, dénués d’intérêt. Par cette pratique, qui relève plus d’un art d’attitude que d’un art purement visuel, l’artiste remet en question les notions de goût. S’inscrivant dans une lignée artistique qui, de Duchamp au Pop Art, n’a cessé de rejeter le modèle rétinien hors de la modernité, l’œuvre de Philippe Mayaux surenchérit et, parodie de parodie, critique de manière ironique et emplie de références et de sous-entendus, notre société obsédée par la consommation et le paraître. Deux projets distincts seront présentés dans l’espace dédié à Philippe Mayaux : une installation comportant des tableaux revisitant le thème de « l’écorché », à l’aune des propos de Gilles Deleuze consacrés à la « chair qui souffre » dans l’œuvre de Francis Bacon et un second groupe d’œuvres, constituées de bras brandissant des pancartes revendicatrices.
Philippe Mayaux est né en 1961 à Roubaix. Il vit et travaille à Montreuil.
